Salam alecum !
Nous sommes arrivés au Maroc depuis 5 jours déjà, désolé pour le retard.
Pour ce message, on va faire des sous-parties, car on a un peu traîné le journal de bord ces jours-ci, et on a pleins de choses à vous raconter, écrits par différentes plumes… Alors voici un petit retour en arrière de nos péripéties…
Bonne lecture !
Traversée Sagres (Portugal) – Mohammedia (Maroc) en 48h ! du 02 au 04 octobre :
Notre séjour au Portugal se sera fait en un éclair, dix jours top chrono ! Qu’allons-nous nous souvenir de ce pays si rapidement visité ? Un passage éclair à Porto, aux îles Berlengas, à Lisbonne, quelques jours à Cascais, et notre départ pour le Maroc de Sagres, petit mouillage devant un port de pêche sans grand intérêt. On est arrivé dans l’après midi le mercredi 01 octobre, le temps d’une petite sieste, une petite balade, un coup au bar et on en restera là.
Nous partons le lendemain matin, pour changer de continent ! La journée se passe à merveille, nous avons du bon vent portant, on avance à une moyenne de 6,5 nœuds, sans sentir que nous allons aussi vite. La houle se lève un peu en fin d’après-midi, qui annonce une nuit un peu moins agréable, laissons Benjamin nous raconter le récit de cette traversée…
Nuit quelque peu difficile…
Nous avons mal dormi, voire très mal pour le reste de l’équipage.
Le vent pourtant était bon. Au portant (venant de l’arrière), régulier, de force moyenne, environ 20 nœuds.
Mais la mer… pourtant pas très grosse, était complètement cassée, désorienté, illogique. Nous sommes au large du détroit de Gibraltar où plusieurs courants se croisent. D’une houle moyenne venait se mélanger des vagues de travers, petites, mais assez puissantes pour faire rouler notre habitation flottante de gauche, à droite, à gauche, à droite… d’un gauche maladroit.
Avec le vent arrière, ces roulis provoquaient sans prévenir de violents empannages (virement de bord en vent arrière). La grande voile ouverte en grand à bâbord, sous le poids de la bôme et de l’inclinaison du bateau à tribord, change brusquement de côté. Et le vent amplifie ce changement qui s’effectue à une vitesse considérable dans un fracas à faire craquer les os. Cette bôme, armée de son fouet d’écoutes (cordages), a claqué une bonne trentaine de fois toute la nuit essayant de nous atteindre à chaque passage intérieur / extérieur. Faute d’attention, elle a réussi à atteindre Pauline à la jambe qui s’en sort avec un bel hématome. Plus de peur que de mal, même si ça avait l’air bien douloureux sur le coup, et par la suite un peu gênant pour dormir.
C’était donc une nuit quelque peu rock n’ roll. A vrai dire, la meilleure place était à la barre, dehors. A l’intérieur, la coque amplifie les moult bruits du bateau agité ; écoutes et voiles qui claquent, poulies qui cognent, bruit de tonnerre du « surf » sur les vagues, vaisselle qui se balade dans l’évier… A l’extérieur, c’est différent, la barre capricieuse nous tient éveillé, sous un ciel étoilé comme on en voit peu, car nous sommes maintenant loin des côtes éclairées de la civilisation.
Les vagues ont fini par réduire dans le lendemain après midi, libérant la houle de l’atlantique, plus régulière, plus légère. La nuit suivante fut confortable.
Nuit d’autant plus confortable que c’est la première où chacun tient son quart seul, laissant ainsi les autres dormir pendant 8 heures en une ou deux fois. Dormir… position horizontale.
Claquement de voile, écoutes qui s’agitent. Ça sent la pétole ! plus de vent.
Il est six heures, heure de prendre mon quart, heure de prendre la barre.
Lumières dans le ciel, c’est orion. Lumières à l’horizon, le Maroc. Torse nu, en caleçon, c’est l’Afrique.
Le vent reprend, les lumières se rapprochent, le jour se lève, nous arrivons à Mohammedia, changement de continent.
Accueillis tout d’abord par de nombreuses méduses imitées mollement par des sacs plastiques et autres déchets flottant, nous nous dirigeons au port derrière les pétroliers, à coté de nombreux petits bateaux de pèches multicolores. Les hommes de la capitainerie nous attendent sur l’un des deux pontons. Mots de bienvenue, accueil très chaleureux. Belle introduction de la courtoisie marocaine qui nous attend. Evaloa est amarrée. Pieds à terre et poignées de mains.
Petites rectifications sur les empannages successifs (difficiles à assumer pour un capitaine) :
Comme vous l’avez lu, m’étant pris l’écoute de la bôme sur la jambe, j’avais une peur bleue d’empanner (faire passer la bôme dans l’autre sens), du coup j’ai passé mon quart à la barre scotché au compas, tout comme Yann, et nous n’avons empanné que deux ou trois fois (chacun) par manque d’inattention. (Qu’est-ce qu’ils sont susceptibles. Remarque du coup je me rends compte que moi aussi. Maina assume de son côté une douzaine et moi le reste.) Mais lorsque Benj et Maina ont pris le relais, le fil du compas s’est coincé dans la porte et la lumière du compas ne marchait plus. Plutôt que de le rallumer, ils ont décidé de barrer en regardant les étoiles pour se diriger, forcément l’empannage était plus vite arrivé ! C’est d’ailleurs pour cette raison qu’on a quasiment pas dormi la 1ère nuit, à chaque fois qu’on commençait à s’assoupir, la bôme partait dans l’autre sens provocant un bruit du tonnerre. Mais ne pas dormir une nuit n’est pas gênant lorsqu’on sait qu’il n’en reste qu’une à faire avant d’amarrer. On n’a pas eu le temps d’en avoir marre, de trouver le temps long, que nous étions déjà arrivés !
On avait déjà navigué plus longtemps en parcourant beaucoup moins de milles, 210 milles en 48h, c’est un bon score !
Arrivée à Mohammedia, le 04 octobre :
On nous avait tant maudit l’administration marocaine, l’insécurité par rapport au voilier (vol…) que nous sommes arrivés au Maroc avec pas mal d’appréhensions… qui ont rapidement disparus. Ok, à notre arrivée, nous avons eu le droit, avant de pouvoir sortir du bateau, à la visite successive de la gendarmerie royale, de la douane, et du service de l’immigration. Mais tous ont été très courtois et n’ont pas cherché à nous embêter. Tous disaient à Yann « vous avez un vieux bateau », du coup c’est bien, ce n’est pas auprès de nous qu’ils vont demander des bakchichs !
Le port de Mohammedia, vu du ponton où Evaloa est amarré – Regardez à gauche de la photo comme nous sommes bien en sécurité au port, entouré de barbelés !
Mohammedia est une ville tranquille (et peu touristique), où l’on ne vient pas nous interpeller à tous les coins de rue. Les gens sont accueillants… Au point que pensant initialement rester 3-4 jours, nous décidons de séjourner au port pendant une semaine pour prendre le temps d’organiser une séance de cinéma dans le centre de Mohammedia samedi soir (affaire à suivre car l’organisation n’est plus aussi simple qu’en Europe, on a changé de continent et on ne peut plus faire ce que l’on veut, projeter n’importe quel film… et oui la censure n’a pas partout disparu).
La vie à terre… par Maina :
Au-delà du quotidien à bord : bricolages pour entretenir ou améliorer le bateau, repas, lessives etc ; et quelques moments de repos, lectures dans le hamac, dessin, écriture… être en bateau c’est aussi comme avoir sa maison sur place. Ici à Mohammedia où nous sommes arrivés il y a 5 jours, c’est comme si on y habitait depuis quelques semaines. Petite balade dans la ville, dans la kasbah (partie ancienne des villes au Maroc entourée de murs), et forcément les rencontres se font rapidement. Et oui, notre passage est ponctué de « bonsoir, ça va bien ? », « Vous êtes français » ; les gens ici maîtrisent étonnamment bien le français et sont contents de discuter avec des étrangers ; pour diverses raisons forcément.
Premier soir, après un repas dans la kasbah, nous prenons Benj’ et moi le chemin du retour en passant par la plage. Petite boutique de boissons, gâteaux et autres. On s’arrête acheter un briquet, on essaye de dire 2 mots en arabe (on a trouvé un petit lexique), l’échange est lancé. « Vous êtes français ? Je parle un peu le français… je peux vous apprendre l’arabe, c’est facile ». C’est Omar et Halima. Ils nous proposent des chaises derrière le stand. Un vieux monsieur au bonnet nous observe souriant : « Meziene ! » (c’est super). Chouette soirée toute simple autour d’un bon thé à la menthe qu’Omar nous prépare, avec 3-4 personnes de passage. « Et la France, ça va ? » (… !!)
Autre rencontre exceptionnelle ici, c’est Messoud, d’origine berbère. On allait se prendre un thé « a té neneh » au café. A côté quelques marocains discutent, l’un d’entre eux nous apostrophe. Je saisis l’occasion au passage pour demander comment se prépare le thé à la menthe, et combien coûte un thé etc. Et vla le bonhomme lancé dans la discussion, enthousiaste. Je l’invite à prendre le thé avec nous… super échange. « Le maroc, c’est une expérience » nous dit-il. Le gars ne va plus nous quitter, nous fait visiter la ville, nous aide à faire nos achats, nous motive pour une projection ici… et on réussit même à l’inviter au bateau : opération difficile car l’entrée de la marina est contrôlée. Messoud a pu rester 2 heures, pas plus, et le gars à la barrière lui a demandé un petit bakchich.
Voilà… Maintenant ne reste plus qu’à rencontrer aussi des marocaines pour avoir un autre regard sur cette société qu’on découvre.
Et pour finir, la parole du capitaine :
Aaaaaallaaaaaaaaaaaaaaaaaaahhhhhhhhhhh !!! Akbar
Aaaaaallaaaaaaaaaaaaaaaaaaaahhhhhhhhhh !!!Akbar