Vive la Casamance !! Pour une fois qu’on est tous les 2 en photos sur Evaloa, nous voulons vous le faire partager (merci Agnes et la belle verte) !!
Bonjour tout le monde,
Tout d’abord, je dois m’excuser pour ce retard excessif… C’est très dur, depuis que nous séjournons en Casamance, de garder un minimum de rigueur dans la parution de ce journal. Nous préférons séjourner dans les villages plutôt que de faire notre programme en fonction de notre connexion internet, il faut nous comprendre ! Je vous ai d’abord habitué à des nouvelles quotidiennes alors là, ça assure moins… Mais c’est que, parallèlement, notre voyage est plus riche !
Je ne vais pas m’éterniser sur ces excuses et vais plutôt tenter de rattraper le retard, ça va être très long de vous résumer tout ça ! Que de villages encore visités, de projections organisées, de rencontres au fil des bolons, de petites anecdotes à raconter, va falloir trier tout ça et faire des coupes, allez, courage, je m’y mets !
Après notre séjour un peu trop long à Ziguinchor (c’est d’ailleurs pour ça qu’on n’a pas été pressé d’y retourner et qu’on a mis internet de côté), nous avons laissé nos amis de Goélane à leurs derniers préparatifs de traversée et nous sommes partis à Affiniam, le plus grand village que l’on est fait jusqu’à présent, en dehors de Zig bien sûr. D’emblée, l’organisation est un peu plus délicate car nous ne pouvons rester très longtemps : nous arrivons un dimanche – le jour des élections municipales – et devons repartir le vendredi suivant car nous sommes attendus pour le festival de Carabane. Donc pas de week-end pour organiser la projection de film tout public, ce que nous préférons habituellement par rapport à la disponibilité des gens, surtout de la jeunesse.
Le lundi matin nous rendons visite au directeur de l’école et convenons d’une séance pour les enfants l’après-midi même. Au moins avec les écoles, l’organisation est d’une extrême simplicité, les instits préviennent les classes deux heures avant et tous les élèves sont de la partie. Après le déplacement du matériel du bateau jusqu’au village (une demi-heure de marche sous le cagnard du début d’après-midi, faut vraiment être motivés – voir fous de s’activer sous cette chaleur – heureusement que les amis et des jeunes étaient venus nous aider pour porter les « bagos »), nous faisons salle comble au foyer des jeunes, belle satisfaction suite à une organisation à la va vite.
Avec Paulin, le président de la jeunesse, nous convenons d’une projection pour le village le mercredi soir et pour le collège le jeudi après-midi, programme chargé ! Trop certainement car je me décourage, face à la grandeur du village, à entamer un travail de communication : conséquence évidente, les gens ne sont pas informés de la projection du soir. Paulin a beau me dire que ça va fonctionner grâce au bouche à oreille, on est à Affiniam dans une configuration différente, le village est espacé de plusieurs quartiers qui s’étendent sur des kilomètres. J’avoue, vu le peu de temps que nous restions dans le coin, avoir préféré aller me balader avec les filles (Agnès avec qui je peux enfin passer du temps après mon séjour au Burkina, Zoé sa pote rencontrée sur le chemin et Olivia, une bateau-stoppeuse), visiter un autre village nommé Botemp, et découvrant la magnifique flore d’Affiniam : d’immenses baobabs et fromagers un peu partout… Yann était resté au bateau passer du temps, en musique, avec Adeline et Laurent, avant qu’ils retournent en France.
Nous ne pouvons regretter ces choix mais parallèlement, nous devons subir notre plus gros échec d’influence le mercredi soir : une vingtaine de personnes, les boules ! Bon d’un côté, ce sont des choses qui arrivent et de l’autre, les échos positifs du film projeté Madame Brouette ont rattrapé le coup. Peu de gens étaient présents, mais le film les a conquis, ils étaient très réceptifs à l’histoire, on a même eu l’une des plus touchantes réactions d’un ancien, je ne pourrais retranscrire les mots qu’il a employé, mais la satisfaction que j’ai éprouvé face à son éloge restera gravé dans ma mémoire.
Nous nous sommes bien rattrapés le lendemain avec la projection pour le collège, où les élèves sont venus en masse. Mais l’organisation laissait vraiment à désirer. En rencontrant les responsables du collège et selon leur demande, nous avions convenu de projeter des courts métrages sur le thème du sida, animés par les profs, puis un film de Sembène Ousmane. Et bien aucun prof en question n’était présent pour organiser le débat, je me suis retrouvée seule avec le micro face à plus de 200 collégiens ! Je me demandais bien ce que je faisais là à leur parler du sida sans être moi-même médecin ni assez informée pour répondre à des questions précises. Au final, j’ai davantage expliqué le contenu des films et fait un monologue car personne n’osait poser de questions.
Conclusion : il faut avoir du temps ! Nous partions d’une bonne volonté de faire profiter à un maximum de villages notre cinéma itinérant mais au détriment d’une certaine rigueur d’organisation donc d’impact. Nous nous en rendrons compte en retournant à Niomoune, il est sûrement plus efficace de réaliser un travail de fond avec un village, en restant plus longtemps et en organisant plus de projections.
Avec les 3 filles et notre nouveau compagnon de route « la belle verte » – nous avons rencontré à Ziguinchor Blandine et Stéphane avec qui l’on a tout de suite bien sympathisé, des potes aux ratatons… un petit monde la voile ! -, cap sur Carabane. Vu le nombre de milles à parcourir, nous mettons deux jours à nous y rendre et découvrons à nouveau un mouillage peu confortable. Tant pis, il faudra faire avec car nous ne manquerons pas ce festival où nous sommes attendus, enfin… Rappelez vous, lors de notre arrivée en Casamance en janvier, nous avions séjourné à Carabane quelques jours et en partant, on nous avait invité à revenir pour leur festival avec notre cinéma. Depuis, nous avions gardé contact avec Lamine, l’instit et Michel, le président des jeunes, qui comptaient sur notre présence.
Arrivés à Carabane, l’organisation est déjà plus flou : c’est surtout un festival de musique, pas vraiment de place accordée au cinéma. On s’en rend davantage compte lors de l’installation du matériel et de notre rencontre avec l’équipe du festival : en fait les organisateurs sont beaucoup de jeunes originaires de Carabane mais habitant à Ziguinchor, qui n’ont eu ouï dire de la présence d’un cinéma au festival. « Comme vous arrivez à la dernière minute, on va essayer de vous trouver un petit créneau, entre chaque concert ». Ok, donc ils ont l’intention que l’on éteigne et rallume notre groupe électrogène toutes les heures pour 5 min de films pendant la pause entre les concerts, genre on passe une pub pour faire patienter le public… Au final, même cette pauvre place, nous ne l’aurons pas, c’est complètement impossible d’un point de vue organisation, on perdrait trop de temps sur les concerts si on incérerait des films entre les deux, d’autant qu’un nombre incalculable de groupes est présent. La politesse sénégalaise veut que l’on ne dise jamais non, et le festival se retrouve déborder par la programmation musicale. Ils décideront de faire passer tout le monde – plus le choix – mais seulement deux morceaux chacun ! Aussi frustrant pour le groupe que pour le public, bravo la politesse !
En ce qui concerne le cinéma, le festival n’était pas prêt à nous recevoir. Certes Lamine voyait l’intérêt d’un tel outil mais pas les jeunes organisateurs qui préféraient passer des clips vidéos de mauvaises qualités avec un son pourave plutôt que de diffuser des films africains… Ce fut une grande frustration car nous n’avons même pas peu essayé ! J’aurais préféré que les projections fassent un gros bide plutôt qu’il n’y en ait pas, car du coup, on ne sait pas si cela aurait marché ou non. On a simplement réussi à passer un doc musical le premier soir du festival avant que les concerts commencent et deux matins, nous avons diffusé des dessins animés pour les enfants au foyer. Nous pourrions nous en contenter mais cela n’a rien à voir avec la collaboration prévue… Dur dur de travailler avec les associations locales, les regards extérieurs nous interpellent parfois : « il faut travailler avec les structures sénégalaises… », pourtant, en vue de nos expériences (entre le festival de Dakar et celui-ci) on a été plus efficace en se débrouillant tout seul ! Il faut nous adapter à l’organisation africaine (ou justement rien n’est organisé, tout se fait sur le tas, les choses ne sont pas exposées clairement…) et ce n’est vraiment pas évident par rapport à notre culture, comme le dit très justement Zoé : « Ici, il faut tout désapprendre ».
Bon, cela restera une expérience intéressante !
Nous ne tardons pas après le festival car nous souhaitons retrouver Goélane à Niomoune avant leur départ pour la Guyane. Nous retrouvons Niomoune avec plaisir mais quittons Katell, Julien, Youna et Maël avec tristesse… Nous avons sorti le grand jeu pour leur départ : galettes et cidre bio s’il vous plait ! Ça sert d’avoir des cales un peu planquées dans le bateau, on arrive à faire de bonnes réserves… Petits cadeaux de départ – dont un jeu de tarot en souvenir de nos longues soirées carte – et c’est déjà les adieux. Bonne route Goélane, que les bons vents soient avec vous, et les bonnes énergies, on vous retrouve en face !!
Notre planning est toujours aussi chargé : nous sommes de nouveau attendus, à Kouba maintenant, petit village bien reculé des îles Karônes. Juste le temps d’organiser une projection au quartier d’Elou avec l’aide de Jean-Simon, d’assister encore et toujours aux fameuses cérémonies niomounoises (cette fois ce sont des fiançailles sans les fiancés), de fêter les 30 ans de Sylvain – un autre pote voileux – au campement d’Alfred où l’on a tué un cochon pour l’occasion (que les gars ont été eux même cherché à Kandié, un village en brousse pas loin de Niomoune accessible en pirogue), de dire au revoir à Agnes et, et… juste ça quoi !
Kouba, comment résumer… l’histoire d’une rencontre avec Camille. Ce parisien, contacté d’abord par internet par une amie d’une amie, nous avait rendu visite en Bretagne et nous avait invité à Kouba, le village dont son fils « adoptif » est originaire (tu vois Camille, je résume comme je peux…).
Ce village est bien planqué dans les bolons au nord du fleuve Casamance, on nous avait dit qu’on ne pourrait pas y accéder avec notre voilier mais Emmanuel, piroguier à Kouba, est venu nous chercher, nous a guidé et nous avons posé l’ancre à 10 min en annexe du village. A peine arrivés, on nous propose d’organiser une projection le soir même. On est dimanche et le lendemain, tous les jeunes venus pour les vacances vont quitter Kouba, il faut profiter de leur présence. C’est un peu dur de choisir un film pour un village qu’on ne connaît pas et pour un public qui n’a jamais été au cinéma. Solution facile : nous choisirons Kirikou, puisque cette séance est censée être destinée aux jeunes, de toute façon ce film plaît aux plus petits comme aux plus grands.
1ere projection à Kouba
Tout le monde n’a pu être prévenu à temps, heureusement nous organisons une autre projection dans la semaine. Pour la deuxième séance, je tire la leçon d’Affiniam (mais c’est plus facile ici le village est tout petit !), je traverse le village avec une jeune pour prévenir de la séance. Heureux constat, les femmes se déplacent en masse, la place est pleine et je pense qu’on les a bien bousculés en leur montrant la vie quotidienne africaine sur grand écran. On a choisi de passer Mossane, car le film se passe au Sénégal, dans le Saloum, une région qui ressemble à la Casamance. L’histoire traite du mariage forcé, certainement toujours d’actualité au Sénégal (ils te disent tous : « Oui, mais pas chez nous ! »), il y est souvent question de tradition, avec une forte présence musicale, un très beau film.
Nous séjournons quelques jours dans la famille d’Emmanuel et de Mathias, je ne sais pas si c’est parce que c’est Pâques ou c’est du à notre présence – sûrement un mélange des deux – mais nous mangeons des repas luxueux (Camille nous avait parlé de riz et poissons bouillis à tous les repas, au lieu de ça, nous mangeons de la viande, toujours accompagnés de délicieuses sauces). Nous faisons une petite pause sans le bateau et vivons avec la population locale. Ce n’est pas une pleine réussite car nous restons entre « toubabs » puisque Camille est à Kouba avec deux amis, Saïd et Anouchka, et sa mère, on ne sortira de toute façon jamais de notre position d’étranger ! Nous sympathisons avec les enfants du village qui sont très attachants, on fait visiter notre bateau à quelques uns, Yann ramène aussi son accordéon et joue beaucoup pour le plaisir de tous. Saïd est réalisateur sur Paris, il a sa caméra et nous filme dans l’action, c’est super car nous n’avons pas l’occasion d’être tous les deux à l’image. Avec ces images et les nôtres, nous aimerions bien monter un petit documentaire sur notre projet, nous vous tiendrons au courant !
Avant de retourner à notre vie sur l’eau, nous faisons un petit détour par Kafountine, où Camille a une maison, tout petit détour… : deux heures de marche dans la brousse, puis 30 min de pirogue (Kouba est une île), et enfin un taxi de Kassel jusqu’à Kafountine. Cette escale est pour nous le moyen d’un petit ravitaillement et d’une fameuse connexion internet mais là, c’est un peu la déception : la connexion est très mauvaise, je n’ai donc pu mettre à jour le journal de bord, vous voyez, ce n’est pas faute d’avoir essayé !
De retour à Niomoune, nous avons assisté à une grande cérémonie. Depuis l’existence du village (XVème siècle), seuls six cérémonies de ce type ont eu lieu. Arsène, le frère du forgeron et du grand féticheur Paul (les féticheurs sont traditionnellement forgerons et ont leur famille originaire de Guinée), s’initie lui aussi au rôle de féticheur. Pour lui apprendre tous ces secrets, de grands féticheurs venus de Guinée se sont déplacés jusqu’à Niomoune. Arsène est initié pendant une semaine, cloîtré chez lui, pendant que nous, on mange, on chante, on danse, et bien sûr, on boit du bounouk (quoi que ce coup-ci, y’a tellement de monde venu de partout – de toute la Casamance, de Gambie et de Guinée – que le vin de palme part à une vitesse qu’on n’en voit même pas la couleur). Selon les dires, 3 à 4 cochons sont tués par jour, et pas les plus petits ! Pendant une semaine, les femmes n’arrêtent pas de faire à manger, du matin au soir, pour une assemblée de plus de 200 personnes, c’est pas la fête pour tout le monde…
Pendant que je vous envoie ces lignes, la cérémonie dure toujours, moi j’ai fait une petite pause à Ziguinchor pour internet, pendant que Yann est resté bosser sur Evaloa.
Le programme pour la suite : et bien figurez vous que notre séjour se termine bientôt ! Yann a trouvé un bon plan boulot : il va convoyer un voilier de Casamance jusqu’en Bretagne, et le départ est prévu début juin. Il part avec Stéphane de la belle verte, et ils prévoient de mettre un mois et demi (c’est pas la même navigation dans le sens inverse, le vent est contraire, ils feront beaucoup de près). Du coup, on change un peu le planning : je vais moi aussi rentrer plus tôt, autour de mi-juin, en avion. Nous laissons donc Evaloa hiverner seul en Casamance jusqu’au mois d’octobre, où nous rentrerons pour préparer notre traversée de l’atlantique prévue pour le début de l’année prochaine. Et oui, si tout va bien, le voyage continue ! Nous aimerions profiter de notre passage en France pour faire un compte rendu de notre projet cinéma, par le biais notamment d’une expo-photo, nous vous informerons de tout ça grâce à notre site, que nous tenterons de remettre à jour !
Mi-mai, nous nous rendrons donc à Ehidj pour que Yann et Stéphane prépare le voilier à convoyer qui se trouve là-bas, un passage à Ziguinchor pour le ravitaillement et le départ sera très proche. D’ici là, je vous redonnerai des nouvelles, promis !!
Allez, à bientôt, et n’hésitez pas à nous envoyer des commentaires du journal, on aime toujours avoir vos réactions.
Yann et Pauline