Bonjour à tous !
Voici le récit de notre transat, j’ai choisi de vous délivrer mon journal de bord écrit pendant la navigation, en le raccourcissant un peu, pour vous épargner mes états d’âme trop personnels. Malgré les coupes, cela reste très long, mais il fallait bien que cela soit à l’image de la longueur de notre transat ! Allez, plongez-vous au milieu de l’océan, sur un bateau de 12m, avec deux enfants, et cela pendant 24 jours !!
- 1er avril : Partir pour une transat un premier avril, mais c’est une blague !
On réussit à décoller à 16h, 2 heures avant Yann et Ben étaient encore en train de gratter la coque ! On ne prendra finalement pas de passager clandestin, on fera nos adieux à Ben ici, à Mindelo.
Arrivée près de Santo Antao, bon vent, belle mer, on est parti, c’est incroyable ! L’allure est parfaite, si la traversée pouvait se passer ainsi… Faut pas trop épiloguer en mer, surtout au départ, on ne sait pas ce qui nous attend, et pour cause… 1 heure après, le vent tourne, du près pour commencer la transat (allure où l’on a le vent de face), ça fait péter les plombs au capitaine d’entrée de jeu ! Il nous faudra faire cap au sud pendant plusieurs milles (nautiques), s’éloigner de Santo Antoa pour trouver les alizés. Cap 280, 5 nœuds environ, c’est parti !
Enfin j’oublie une belle frayeur au moment d’allumer le moteur, un bruit bizarre : le câble de l’alternateur pris dans la courroie qui allait pas tarder à le sectionner ! Sans l’intervention rapide de Yann, c’était retour au port car sans alternateur, on aurait été bien embêté ! Et voilà qu’à peine parti, on doit déjà faire face à des hauts et des bas émotionnels, ça promet !
- 2 avril : Journée calme, on avance bien.
Laurent sur Loreva, parti en même temps que nous, est un peu malade (on le capte encore par VHF), alors que nous, tout va bien. Je me dis que ça doit être le mouillage rouleur de Mindelo qui apporte (enfin) ses bienfaits car on semble déjà amariné. En tout cas, moi, j’ai du me sentir trop à l’aise car il m’arrive un truc de dingue : j’ai fait un vol plané de la cuisine à la table à carte, la grosse chute qui ne m’est jamais arrivée en 10 ans de bateau. Je voulais goûter le plat qui était brûlant (j’avais pensé mettre la sangle de sécurité de la cuisine, mais je ne l’ai pas fait), je m’y suis approchée sans prendre d’appui et une grosse vague m’a fait voler sans que j’ai le temps de capter quoi que ce soit. Je me suis fait mal un peu partout, surtout dans le dos, Yann a cru que j’étais tombée dans les pommes et voulait faire demi-tour ! Bon, ça suffit les frayeurs ! Je m’en veux et ne comprends pas ce qu’il s’est passé. Un moment d’absence ? Mais ça ne pardonne pas en bateau, je devrais le savoir, surtout quand on part pour 20 jours de mer, c’est vraiment pas le moment. Ça nous remet les idées en place, c’est vigilance orange pour tout le monde !
- 3 avril :
La météo annonçait quasi pétole et on a quand même 10 nœuds de vent, nous faisant avancer entre 4 et 5 nœuds. La houle est de 3-4 m mais tellement large et espacée qu’on la ressent à peine. On monte un peu en altitude, puis on redescend, ça passe !
Depuis le départ, chaque jour a sa frayeur, et là c’est le GPS map qui ne se rallume pas quand je veux faire le point dans l’après-midi. Le problème (électrique) est vite résolu mais l’angoisse d’une telle panne a le temps de monter, c’est dingue comme nos réactions ne sont plus les mêmes quand ça nous arrive au milieu de l’océan !
J’offre un cahier de coloriage/gommettes aux enfants, espérant que ça les aide à passer le temps et ça marche pas mal. Ils ne pestent pas pour l’instant mais quand Titouan me demande dès le premier jour « quand est-ce qu’on arrive ? », ça fait mal ! Noanne, à qui on avait expliqué que le voyage durerait 2 fois ses deux mains, me dit ce matin : « maman, il nous reste encore (et elle me montre 18 avec ses doigts) 18 jours ». Comment être calmé au réveil, je préfère qu’on arrête de compter les jours ! J’espère qu’on va tous perdre la notion du temps, sinon ça risque d’être long. De la même façon, j’essaie de ne pas trop cogiter où je suis, je pourrais faire des montées d’angoisse ! Faut se laisse aller, pas faire de prévision sur notre date d’arrivée, pas trop réfléchir quoi, ah ça me fait travailler sur moi !
- 4 avril:
Journée plus calme, le vent a molli, c’est tout juste pour l’allure de Dominao. Parfois une grosse vague est plus forte que le vent et fait tanguer le bateau qui fait claquer les voiles, comme sous pétole. On avance autour de 4 nœuds, ça nous fera pas une super moyenne si c’était tous les jours mais là, c’est appréciable, ça nous acclimate en douceur. Noanne est même étonnée que ce soit si agréable : « mais la navigation est trop bien, comment ça se fait ? ». Elle est restée avec la mauvaise expérience de la nav Sénégal-Cap Vert, aujourd’hui, cela lui permet de positiver : « J’ai même oublié qu’on était en mer ! ». Elle s’est mise très vite à dessiner, c’est chouette. Par contre on n’arrive pas à faire siester Titouan et parfois, comme aujourd’hui, les fins de journées sont difficiles, il fait que de chouiner, ça nous soûle !
Moi j’ai encore passé une bonne partie de la journée à dormir mais du coup, j’ai moins mal au dos, heureusement ! Pendant que je somnole, Yann, lui, n’arrête pas : il répare une drisse pétée sur la GV (grand voile), nettoie le pont… Quel différence de rythme, ça me fait un peu déprimer parfois ! Je fais le début de nuit de quart pour qu’il puisse se reposer. On a décidé de faire une veille tous les ¾ d’heures, mais ça marche pas trop pour Yann qui s’endort et a du mal à se relever 45 min plus tard. Je le soupçonne d’avoir dormi 3 ou 4 heures cette nuit… Il est tellement persuadé qu’on ne croisera personne que ça ne le motive pas à veiller !
- 5 avril : Toujours aussi tranquille !
On réalise la chance qu’on a, nous étions plus partisans de « mieux vaut faire 20 jours calme que 17 sportifs » et c’est ce qui semble se passer. Ludo nous a envoyé la météo (grâce à notre balise Inreach avec laquelle on peut envoyer et recevoir des textos), ça s’annonce encore calme toute la semaine, super ! On nous avait mis un peu la pression sur notre départ tardif, que les alizés auraient filé… Mais moi je flippais surtout d’une transat bien sportive comme l’ont vécu certains de nos amis cette année, donc je suis ravie que l’on ait attendu pour avoir des alizés mous plutôt que musclés !
Laurent nous a envoyé un sms, il serait déjà à 45 milles devant nous, à petite allure les bateaux plus légers tracent Dominao ! Et en même temps, le poids de notre bateau le rend sûrement plus confortable, il se cale avec les vagues.
- 6 avril : Encore un petite journée à 100 milles !
Un peu de vent nous motiverait davantage pour aborder les autres jours avec sérénité mais la navigation parfaite n’existe pas !
1er poisson péché ! On a mis la ligne (avec le rapala que Thibaut a trouvé dans l’eau à Sao Nicolau) et hop, une dorade coryphène, facile ! Nous étions trop contents d’enfin réussir à pêcher. Titouan m’a dit : « ça y’est, on est de bons pêcheurs maintenant ! ». Mais figurez-vous qu’il a également dit : « je voulais qu’on le pêche puis qu’on le relâche ». Faut dire que Noanne y a mis du sien avec ses « le pauvre, il a pas de chance », et au moment de le manger, elle nous sort : « Ses amis doivent se demander où il est… Les poissons doivent pas vouloir mourir, c’est comme nous, on n’a pas envie ! ». Finalement, heureusement qu’on est de piètres pêcheurs car il semblerait que nos enfants aimeraient être végétariens !
Les moments de navigation sont des moments où on a le temps… de discuter ! On parle forcément de notre futur proche : Antilles, Colombie, Cuba… Quand, comment… Mais on aime aussi parler de l’après voyage, et notamment de notre futur habitat. Après son trip sur les « tiny houses », Yann est branché en ce moment sur un habitat flottant : il aimerait acheter une coque de catamaran sur lequel il construirait une grosse ossature bois et qu’on pourrait ensuite poser dans l’estuaire du Trieux ou du Jaudy.
Ciné SearCus fait bien-sûr parti des sujets de discussions, on est un peu en phase de transition : Que fait-on ? Une tournée à 2 ? Reporter la tournée en fin d’année en espérant que Groben revienne ? On continue de le jouer de temps en temps ou on tente d’en vivre un minimum ? Car la question de l’argent se pose forcément au cours du voyage. Doit-on s’arrêter pour bosser ou nos finances vont-elles tenir encore une année ? Pleins de questions qu’il est bon de se poser mais auxquelles on n’aura pas la réponse en mer tout de suite maintenant ! Et pour revenir à Ciné SearCus, ce qui nous bloque un peu si on veut tenter de jouer dans des lieux plus pro, c’est notre matos. Il se fait bien vieux et on aurait besoin d’investir un peu : une enceinte qui déconne, un besoin urgent d’acheter du matos de lumière, rien que ça c’est un petit budget qu’on n’a pas. L’idée d’un financement participatif nous passe par la tête, car on n’a encore jamais demandé d’argent depuis le début du projet et ça pourrait être le moment, si par la suite on veut continuer à tourner le spectacle en France… Bref, les idées ne manquent pas et font passer le temps !
On a fait le quart de la route aujourd’hui ! Noanne était contente de pouvoir enlever une main à ses calculs, il en reste plus que 3 (mains), rien que ça !
- 7 avril :
Le vent continue à faiblir, nos moyennes journalières aussi par la même occasion, ainsi que mon espoir d’une navigation à 19 jours… Enfin 2 jours de plus ou de moins, qu’est-ce que ça change ? C’est qu’aujourd’hui le vent a faibli mais pas la houle alors quelques vagues parfois plus grosses que les autres font giter Dominao, c’est pas trop agréable.
En mangeant une tartine ce matin, Noanne a perdu une dent (la 4ème) ! On avait raconté à Noanne que sa copine Rosalie avait perdu une dent, au cours de sa transat en famille deux mois plus tôt, et qu’elle l’avait jetée dans l’océan. Alors Noanne a voulu faire de même, en nous disant que de toute façon la petite souris ne pourrait pas venir jusque là (ouf!) et qu’elle aurait d’autres dents à tomber pour avoir un cadeau !
Beau souvenir donc pour Noanne que cette dent jetée à la mer, merci à « la vie en rose » pour leur bonne idée et à Noanne d’avoir fait cette offrande à la belle bleue.
Cette nuit ça a quasi viré à la pétole, on avançait autour de deux nœuds, alors j’ai fait une veille que toutes les 2 heures. Yann lui a quasi fait une nuit complète, faut trouver du bon à tout ! La nuit était trop belle, la lune reflétait sur la mer quasi plate. C’est toujours incroyable de réaliser que notre coque est au milieu de l’océan, loin de tout… Et qu’au final on se sent bien, rassuré même, car on a du mal à imaginer faire collision avec un bateau dans cet immense espace.
- Samedi 8 avril :
On prend une sage décision : on éteint le GPS pour arrêter de regarder notre vitesse ! On fait pour notre 7ème jour moins de 80 milles, arrivé à ce stade mieux vaut ne plus compter (souvent en transat les bateaux se basent sur un minimum de 120 milles par jour). Dominao ne va pas encore briller pour sa rapidité, ce sont nos choix, on préfère la pétole à la tempête, alors faut pas être pressé !
La journée était tellement belle qu’on ne peut pas se plaindre de la lenteur, au contraire on l’apprécie ! Une belle journée ensoleillée, avec une houle qui a quasiment disparue, on se met à prendre nos aises et laisser le pot de confiture sur la table sans craindre qu’il tombe (enfin là c’est Yann qui se lâche un peu, ressortant même les belles tasses de Maëlle, là non!). On a passé la journée dehors, les enfants ont encore fait toutes sortes de jeux : Titouan s’est trouvé une superbe occupation sous la capote, il s’est construit un bateau (avec les pare-battages qui nous servent de dossier et notre ancien matelas découpé en coussins pour le confort dans le cockpit!). Ils ont fait un pique-nique, se sont déguisés, ont baigné leur playmobils, puis eux même dans une bassine d’eau de mer ! Yann a joué pas mal d’accordéon et moi j’ai même ressorti ma guitare, sacré journée ! J’écris à l’avant du bateau devant un paysage grandiose, simple : océan à perte de vue, y’a peut-être peu de chose à voir mais ça envoie ! Ça me rappelle la réflexion de Titouan, lorsqu’on lui propose de regarder le paysage au moment du coucher de soleil, il nous répond : « Y’a pas de paysage, y’a que de la mer ! ». Yann lui me dit en se marrant : « alors, t’as pas toujours rêvé d’une maison vue sur mer ? ». Je l’ai c’est bon, un 360 degré !
- 9 avril : première semaine passée en mer !
La descente continue, 70 pauvres petits milles pour cette 8ème journée.
On a réussi à faire tenir le pain qu’on avait acheté mais lorsqu’on a ouvert le pain de mie, les ¾ moisis ! Alors aujourd’hui, j’ai ressorti la méthode « pouliche » transmis par mon papa (depuis notre 1er voyage) et j’ai fait du pain ! Heureusement que j’en avait fait deux, car le premier est parti dans la soirée après avoir ouvert un pot de pâté, faut bien se faire des petits plaisirs !
On a le droit à un magnifique coucher de soleil, mais aussi au retour d’une houle, assez chiante, que les pauvres 5 nœuds de vent n’arrivent pas à contrer. Le bateau gîte, c’est chiant, on finit par allumer un peu le moteur après une soirée « dessin animé en famille » (le moment préféré de Noanne).
- 10 avril :
Après une journée mollassonne, je me motive à me doucher ! Bassine sur le pont, lavé à l’eau de mer et rincé à l’eau douce, au final tout le monde y passe ! On est content, on est tout propre et on sent bon ! La journée se finit avec apéro/coucher de soleil d’un côté et lune de l’autre, tous deux magnifiques, sur fond d’Ibrahim Malouf, en se disant que quand même, on avait de la chance !
Yann aime à me répéter : « C’est pas ce que tu veux tout le temps, être en famille ? ». Et qui ne rêve pas à terre d’avoir le temps pour lire, écrire, chanter, regarder des films ? Lorsque le temps est agréable, les pensées sont positives !
- 11 avril :
10 jours passés en mer, et on ne peut malheureusement pas encore fêter la moitié de la route. On a encore 1150 milles à parcourir et nos moyennes par jour sont ridicules, à ce rythme là on arrivera dans 15 jours ! Surtout que Ludo nous a indiqué qu’il n’y aurait pas plus de 10 nœuds jusqu’à samedi (on est lundi) et dimanche/lundi pétole… Sachant qu’on les a même pas les 10 nœuds de vent là ! On commence à penser que les alizés ne sont plus là… Je désespère sur nos moyennes journalières et du coup, je désespère Yann !
La traversée de l’Atlantique, à la fois une magnifique expérience à vivre en famille, et une dure épreuve psychologique ! De nouveau, je me rends compte que la vie en voilier est pleine de contrastes, du pour et du contre, mais toujours intense !
- 12 avril : Ouh ma nuit fut agitée !
Le vent s’est un peu levé mais avec lui de petites vagues cassantes allant dans tous les sens, formant comme des petits bras qui soulevaient Dominao de gauche à droite, on a été un peu secoué ! Ça n’a pas empêché le sommeil des enfants ni celui du capitaine mais moi je suis plus sensible au bruit… Le matin ça bougeait encore un peu mais cela levait aussi l’espoir du retour des alizés… Pour l’apéro on a passé le cap des 1050 milles, on est à la moitié !
- 13 avril :
Et comme souvent en bateau, au moment où l’on désespère un peu, qu’on pourrait commencer à déprimer (voir à flipper de rester un mois en plein océan), la situation évolue : le vent s’est levé dans la nuit, on ne va pas tomber dans la totale pétole !
Bon, on ne fait pourtant que 3,5 nœuds de moyenne, va falloir s’en contenter ! Vers midi on est passé sous la barre des 1000 milles, ça aussi ce fut un soulagement ! On a fait la traditionnelle jetée de bouteille à la mer. Dedans, on y a mis un dessin de Noanne et un petit mot avec nos contacts au cas où quelqu’un dans le monde retrouverait cette bouteille !
Aujourd’hui c’était ma journée motiv : 1 kilo de pain (bien récompensé quand les enfants m’ont dit que c’était le meilleur du monde) et un tian de courgettes (grâce au frigo, elles ont tenu jusque là).
- 14 avril :
Notre moyenne a augmenté, 4 nœuds ! On est vent arrière, voiles en ciseaux, on est assez stable mais lorsqu’il y a une vague plus grosse qu’un autre, on gîte d’un coup bien comme il faut ! C’est le problème du vent arrière, le bateau est pas calé sur un bord et se laisse rapidement aller à la gîte. On a eu une navigation tellement calme qu’il faut se réhabituer au vent et au mouvement du bateau !
Une journée comme une autre, la petite routine est installée… On a tendance à s’énerver plus vite sur les enfants, promiscuité oblige, mais il faut dire que la navigation ne les fait même pas plus dormir, ils ne font même pas la sieste ! Pas de repos pour les braves (là je parle de nous qui gagnerions une heure de tranquillité…)
- 15 avril :
J’ai peu dormi cette nuit, d’abord parce que je me suis fait happé par des films, et puis après par le bruit du bateau. J’en profite pour faire une visu de temps en temps car on a un peu abandonné les quarts de nuit, ça fait 10 jours qu’on n’a pas croisé un bateau et on a l’AIS qui déclenche une alarme si un bateau nous approche à moins de 2 milles.
Du coup, j’ai pas fait grand chose aujourd’hui, quand même l’école à Noanne ce matin, et c’est une belle motivation en mer ! Mais j’avais fait des photocopies de fiches de maths, syllabes… facile à faire à l’oral sans trop d’écrits, on fait ça tranquille dehors sur le banc. Pendant ce temps, Yann, lui, n’arrête pas : aujourd’hui il apportait une modif à la table de dehors (une pièce en bois pour reposer les verres), allumant le groupe électrogène pour faire marcher sa perceuse, le gros délire !! Preuve que Yann a toujours besoin d’activité ! Cela lui permet de faire autre chose et de s’éloigner un peu des enfants car il étouffe un peu de les avoir tout le temps dans les pattes ! Il finira par un classique « Oh mais merde » quand un bout de la pièce pètera, et oui, ce n’est pas facile de travailler avec la gîte !
- 16 avril :
Dans la nuit, plus du tout de vent ! On a mis le moteur au petit matin mais Ludo nous annonce une météo pétoleuse pendant au minimum une semaine… Là, on a les boules, la sensation est même bizarre, s’imaginer qu’il n’y a plus de vent jusqu’à nouvel ordre alors qu’il nous reste 700 milles à parcourir ! On aurait même pas assez de gasoil pour finir au moteur (peut être assez pour 400 milles mais 4 jours de moteur c’est pas l’éclate). Heureusement, j’ai fait un bon ravitaillement (merci maman de m’avoir transmise ta crainte de manquer de quelque chose, là c’était une bonne chose que je sois prévoyante ). On n’est pas prêt de manquer ni d’eau, ni de nourriture, c’est le plus important ! Pas d’inquiétude à ce niveau là, ce qui est énorme, après c’est au niveau psychologique, va falloir tenir le coup ! Mais pour l’instant on le prend bien, on a par chance récupéré un spi (voile d’avant très légère), qui nous sauve sacrément la mise. Sans le spi on pense qu’on n’avancerait pas mais là, on avance à 1,5/2 nœuds avec la voile gonflée. On est donc pas dans la totale pétole et au niveau moral, ça aide vachement de ne pas être balloté en entendant les voiles qui claquent ! On avance doucement mais c’est agréable, allez, courage, on est parti pour battre le record de la plus longue transat !
- 17 avril : Quelle journée magnifique, et inattendue !
Pourtant, ça commençait moyen. Dans la nuit, on s’est retrouvé en pleine pétole, le pilote n’arrivait plus à garder le cap alors on l’a éteint et laisser dériver le bateau sous spi ! On a réussi à faire 5 milles dans la nuit, merci les courants ! Comme quoi même si on se retrouvait sans vent et sans gasoil, à la dérive, on finirait par arriver aux Antilles !
On se réveille (arrivé à ce stade on ne fait plus de veille) avec une vision surréaliste, que l’on avait vécu dans le golfe de Gascogne : une mer d’huile, on voit à peine l’horizon tant il se confond avec la mer, on plisse les yeux éblouis par le soleil qui se reflète sur cette eau plate. La sensation est grandiose, on est content de vivre ce moment (on voudrait juste pas le vivre trop longtemps…). Alors après un peu d ‘école, c’est branle-bas de combat pour aller se baigner : échelle de bain, bouée, brassards des enfants, la gopro (caméra embarquée qui filme sous l’eau) et son attache sur la tête pour aller filmer le bateau dans l’eau, c’est parti ! Il faut dire que Yann et moi sommes un peu peureux de se baigner dans le grand bleu, on a toujours la petite appréhension ridicule de tomber sur un requin ou je ne sais quoi, on faisait pas trop les fiers. Mais Noanne nous a tellement supplié, elle en rêvait depuis quelques jours qu’on en pouvait plus lui refuser. Voir nager notre fille en plein océan atlantique, quel souvenir inoubliable ! Titouan, lui, aura réussi à aller dedans 2 secondes dans mes bras, il était pas rassuré, il est ressorti direct !
Sortie de la baignade apparaissent 2 gros nuages gris qui changent l’ambiance direct, et 2 minutes plus tard, la pluie ! Bon l’averse aura pas été assez grosse pour laver le pont mais le contraste était là ! Et les surprises n’étaient pas terminées, les nuages ont amené une petite brise, qui s’est vite transformée en bon vent. On a affalé le spi et remis toutes les voiles, on avançait à 4 voir 5 nœuds !
Quelle journée magique ! Merci le bateau, et pourvu que ça dure !
Au final, on aura fait, au cours des dernières 24h, notre record de lenteur, 38 milles, mais on l’a très bien vécu car lorsqu’on faisait le point on avançait à 6 nœuds !
- 18 avril :
Le vent n’a pas trop molli, et avec lui s’est accompagnée une belle houle venant du nord, bien espacée mais quand même assez haute, de quoi impressionner les enfants (« Ouah la grosse vague ! ») et faire un peu les montagnes russes. Mais Dominao réagit bien, ça reste assez confortable. On était tous un peu naz aujourd’hui (même Yann, ça lui arrive!) donc c’était journée très calme, on a mis tout le monde à la sieste, mais y’a encore que les parents qui ont dormi !
Et au fait, on a fait 101 milles pour cette 17ème journée, depuis le 4ème jour, faire plus de 100 milles ne nous était pas arrivé !
- 19 avril :
Le vent a molli, on a retrouvé notre fameuse moyenne de 2,5 nœuds ! La houle est toujours là donc l’allure est moins agréable, espérons qu’elle s’atténue car le vent, lui, ne prévoit pas de revenir avant quelques jours encore. On est passé sous la barre des 500 milles, on se rapproche du but mais sans vent, on se demande combien de temps mettrons-nous encore avant de voir la Guadeloupe… La patience est de mise ! Pour fêter le passage sous les 500 milles et pour ne pas se laisser abattre : soirée crêpes !
- 20 avril :
2ème fois qu’on a une vrai pétole ! Bon, à partir de là, on ne compte plus les milles, je pense pas qu’on en ait fait 50 dans la journée (et c’est parce qu’on a mis un peu le moteur). Le sms de Ludo en soirée nous rassure un peu : le vent devrait revenir petit à petit à partir de samedi (on est jeudi) et mardi/ mercredi il est prévu 15 nœuds de vent, on devrait arriver la semaine prochaine !
On reçoit un autre sms qui nous calme un peu : Laurent qui est parti le même jour que nous, seul sur Loreva, est arrivé en Guadeloupe, comment a-t-il pu nous devancer autant et éviter la pétole ?!
La pétole nous amènera une famille de globicéphales, qu’on a pu assez bien voir et entendre, enfin du monde avec nous et une belle récompense !
- 21 avril : Un vrai bouchon dans l’eau cette nuit !
On avance autour de 2 nœuds, la houle se tasse, on se sent presque comme au mouillage ! Les journées commencent à se ressembler un peu, surtout pour les enfants : un peu d’école avec Noanne le matin (moi qui n’en faisait quasiment pas pendant le voyage, je me rattrape bien, ça occupe efficacement la journée, ça l’a fait un peu pester parfois mais ça va), beaucoup de dessins (Titouan s’y met c’est génial, Noanne lui montre comment dessiner des bonhommes, des bateaux, et il s’en sort pas mal), des cabanes, des jeux de cartes, les playmobils, la cuisine, les livres, les cahiers de jeux… Ils ont de quoi faire, et n’oublions pas les dessins animés, quoi qu’au milieu de la transat ils les avaient presque oublié mais là on y revient un peu, la navigation est longue !
Mais ils ne se plaignent pas, c’est incroyable ! On fait un apéro en soirée, trinquant au fait qu’on aurait déjà du être arrivé, remerciant les enfants de leur patience, et là Noanne nous répond : « Je commence à trouver ça un peu long quand même ! » Il est vrai que j’avais entendu ce midi un « Oh que j’ai hâte d’arriver ! » Tu m’étonnes, nous aussi ! On a du faire 75 milles en 2 jours, l’arrivée est pas encore au programme…
Moi je me suis mis dans un bouquin de Donald Westlake, ça passe le temps, merci Agnès !
- 22 avril :
Journée un peu léthargique pour ma part, il fait très chaud et avec le peu de vent, ça cogne ! Titouan aussi est tout le temps en sueur, mais il ne se plaint pas de la chaleur ! Yann est loin d’être en mode léthargique, il a réparé la jauge gasoil (« je profite d’être en mer par temps calme pour bosser sur le bateau »). En fin de journée, on a joué un peu de musique, cela a du plaire aux dauphins car une tripotée est venue se promener autour de l’étrave du bateau et comme la mer est translucide, on les voyait sous l’eau, et hors de l’eau, magique ! On a filmé sous l’eau avec la gopro (accrochée à la gaffe), les plans sont magnifiques (ci-dessous vous pouvez voir des captures d’écran). Les enfants étaient trop heureux, grâce à notre allure hyper calme, ils ont pu aller à l’avant s’approchant tout près des dauphins, y’avait un petit dauphin, c’était trop mignon. On s’est félicité d’être encore en mer en ce 21ème jour pour voir ça, la patience finit par payer !
Yann, grand chef cuistot de la transat, a accompli ses promesses (« à 300 milles, je fais des galettes ») : à la dernière galette tournée, on passait ENFIN sous la barres des 300 milles !
Ia Orana nous a devancé (ils sont pourtant partis 2 jours après nous) après 48h de moteur, ils pensent arriver lundi à Marie Galante. On s’est dit qu’on s’arrêterait là nous aussi, cette petite île semble magnifique et nous fait gagner 16 milles par rapport à la Guadeloupe, c’est toujours ça de gagner ! Mais nous ne pensons pas arriver avant mardi, sûrement mercredi (on est samedi).
- 23 avril : On avance ! On réussit à faire 100 milles en 24h, on est en marche pour arriver !
Aujourd’hui on s’est dit que ça devait être plutôt ça une transat « normal » : 5 nœuds de moyenne, vent arrière, une allure pas forcément agréable car le bateau n’est pas calé sur un bord, ça tangue (mais ça je l’ai déjà écrit, je radote, il est vraiment temps qu’on arrive !). Ça nous rend tout mou, Yann et moi, nous passons une bonne partie de la journée allongée pendant que les enfants continuent à faire leur vie, ils sortent tous les jouets, ils arrêtent pas, ce sont eux les vrais marins !
On s’est ouvert une boite de cassoulet car selon le capitaine, « y’a pas de transat sans cassoulet », puis tout le monde au lit, on ne pense plus qu’à arriver !
- 24 avril :
Petit incident dans la nuit, l’écoute du génois (voile à l’avant du mât) a pété. C’était à prévoir, nos écoutes sont vraiment vieilles… Yann a bien galéré à la changer, et a bien pesté !
En tout cas le vent n’a pas faibli, au contraire, 124 milles pour cette 23ème journée, notre record de vitesse !! Pour nous assurer une arrivée demain, on s’était dit qu’il fallait qu’il nous reste moins de 100 milles au coucher du soleil et quand le soleil a disparu sous la mer, on était à 89 milles, le top !
- 25 avril :
On a bien avancé cette nuit, au petit matin on voit l’île de La Désirade, et très vite Marie Galante, suivie de peu derrière par la Guadeloupe et les Saintes, quel spectacle, la terre, OUIIIIIII !!!
Bien-sûr, on a trouvé le temps long jusqu’au virement de bord pour longer Marie Galante jusqu’au mouillage. On découvre un décor de carte postale : l’île semble très belle, boisée, verte, avec palmiers et plages de sables fins à perte de vue. La mer est turquoise (on ne nous a pas menti!) et on voit même le fond !
On arrive au mouillage de Saint Louis à 15h heure locale (6h de moins qu’en France) et la première chose que l’on fait tous, c’est un gros plouf dans une eau… trop bonne, trop chaude, trop belle, on est de l’autre côté !!! Les premiers pas deux heures plus tard seront mémorables : c’est trop bon, ON EST ARRIVE !!!! J’aime la réflexion de Titouan quand je lui demande s’il est content d’enfin remarcher, il me répond : « Ah là, maman, je vais pas te demander de me porter, hein, je cours ! ».
On passera la soirée bien arrosée au ti punch de Marie Galante avec Anne-Laure et Momo de Ia Orana (et leur 4 enfants) mais aussi Viken qu’on retrouve par hasard et qu’on avait rencontré à Santa Cruz de Tenerife !
Dominao au mouillage après 24 jours en mer et retrouvaille avec les enfants de Ia Orana
Voilà, bravo à ceux qui sont allés jusqu’au bout, vous venez de vivre une transat en 24 jours, vous voyez, finalement, ça passe vite !
On part de Marie Galante pour les Saintes demain où l’on fêtera les 6 ans de Noanne samedi puis on va, enfin, se rendre sur la Guadeloupe, on va embarquer ma petite sœur et son copain qui viennent nous voir le 11 mai pour un mois.
A bientôt de nos nouvelles !
Pauline, pour Dominao
Bravo à vous je vous suis à chaque mail et j’avais hâte de lire la transat, magnifique expérience à vous quatre bravo encore et profiter bien de l’île papillon ciao . Boban
Wah super aventure. Dommage qu’on ne se soit pas croisé au Sénégal mais nous étions un peu en retard avec le camion nous avons trainé au Maroc. Bonjour à tout le monde et bon courage pour la suite !
C’est toujours avec grand plaisir qu’on lit vos récits, surtout continuez! çà nous fait rêver! A bientôt! BIVOUAC
Que rico leer este cuento!!
Quelle beaute cette ocean !
A seguir disffffffffffrutandooooo!
Un abrazote
Audrey (on a chante ensemble avec le warga)
Merci pour ce récit haletant de « lenteur » …
On s’est senti « avec vous » à Marie-Galante !
A la prochaine !